Depuis le 1er janvier 2013, les plus-values nettes de cession de titres sont imposables l’année suivant leur cession au barème progressif de l’impôt sur le revenu après imputation d'un abattement proportionnel en fonction de la durée de détention de ces titres (article 150 V et suivants du CGI).
Dans sa doctrine publiée au BOFIP (BOI-RPPM-PVBMI-20-20-10 n° 1), l’administration fiscale avait ajouté à la loi et considérait que les moins-values devaient également être réduite de l’abattement pour durée de détention. Cela réduisait considérablement l’impact de la moins-value sur la plus-value imposable tant en matière d’impôt sur le revenu qu’en matière de prélèvements sociaux.
Dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’Etat a annulé la doctrine de l’administration fiscale dans une décision du 12 novembre 2015 (CE 12 novembre 2015, n°390265). Ainsi, le Conseil d’Etat précise que l’abattement pour durée de détention ne s’applique pas aux moins-values de cession de valeurs mobilières et annule par conséquent toutes les références correspondantes figurant dans le Bofip.
Suite à cette condamnation, le contribuable a désormais la possibilité de demander le remboursement du trop-payé d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, par la voie d’une réclamation en déposant une déclaration rectificative.
La position contestable de l’Administration dans le BOFIP
Les lois de finances pour 2013 et 2014 ont réformé le régime d’imposition des plus-values de cession de titres à l’impôt sur le revenu.
Depuis le 1er janvier 2013, les gains nets de cession ou de rachat de titres sont imposables l’année suivant la cession ou le rachat à l’impôt sur le revenu selon le barème progressif après application d’un abattement pour durée de détention (CGI art. 150-0 D, 1). L’abattement pratiqué est égal à 50 % du montant des gains nets lorsque les titres ou droits sont détenus depuis au moins deux ans et moins de huit ans à la date de la cession ; et 65 % de leur montant lorsque les titres ou droits sont détenus depuis au moins huit ans. La durée de détention est décomptée à partir de la date de souscription ou d’acquisition des titres ou droits et prend fin à la date du transfert de propriété.
Par dérogation au régime de droit commun, certaines plus-values de cession ou de rachat de titres sont réduites d’un abattement proportionnel renforcé après application, pour les dirigeants de PME prenant leur retraite, d’un abattement fixe. L’abattement renforcé est égal à 50 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins un an et moins de quatre ans à la date de la cession, 65 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins quatre ans et moins de huit ans, et 85 % lorsque les titres sont détenus depuis au moins huit ans.
Selon l’administration dans sa doctrine publiée au BOFIP, l’abattement s’appliquait tant aux plus-values qu’aux moins-values. Ainsi, le montant de la moins-value imputable ou le cas échéant reportable était le montant de la moins-value constatée réduit des abattements pour durée de détention. Paradoxalement, la durée de détention devenait défavorable lorsque les titres étaient conservés en perte.
En matière de prélèvement sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, le gain est déterminé sans application de l’abattement pour durée de détention et les impositions sont calculées sur la plus-value brute diminuée des moins-values. En conséquence, la doctrine de l’Administration n’avait aucun impact sur les prélèvements sociaux de l’année en cours (année de réalisation de la plus-value ou la moins-value).
Exemple : Un contribuable a cédé le 20 janvier N des actions A d’une société acquise le 5 septembre N-5 et a réalisé à cette occasion une plus-value de 20 000 €. Par ailleurs, il a cédé le 29 novembre N des actions B d’une société acquises le 15 mars N-10 et a constaté à cette occasion une moins-value de 10 000 €. La durée de détention des actions A dont la cession a fait apparaître la plus-value est d’au moins deux ans et de moins de 8 ans. Le montant de l’abattement pour durée de détention de droit commun est égal à 50 % du montant de la plus-value, soit une plus-value après abattement de 10 000 euros. La durée de détention des actions B est d’au moins 8 ans. Le montant de l’abattement pour durée de détention de droit commun est égal à 65 % du montant de la moins-value, soit 6 500 €. Le montant de la moins-value, réduite de cet abattement, est de 3 500 €.
Le montant de la plus-value imposable s’élevait donc à 6 500 € (10 000 – 3 500).
Par ailleurs, le nouveau régime d'imposition pouvait, selon les indications données par l'administration, avoir des incidences défavorables en matière de prélèvements sociaux et de contribution sur les hauts revenus des années ultérieures.
En effet, la non application de l’abattement pour durée de détention ne s'appliquait qu'aux plus-values (et moins-values) de l'année, mais ne s'appliquait pas aux moins-values en report. Ainsi, la moins-value réduite de l’abattement était reportée sur les dix années suivantes, dès lors que les formulaires de déclaration ne prévoyaient pas de double système de suivi des moins-values en report pour ces impositions pourtant non concernées par l’abattement.
La condamnation par le Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat censure l’analyse de l’Administration et précise au contraire que l’abattement pour durée de détention ne s’applique pas aux moins-values de cession de valeurs mobilières, mais au gain net après imputation des moins-values.
Ainsi, les gains nets imposables sont calculés après imputation par le contribuable sur les plus-values qu’il a réalisées des moins-values subies au cours de la même année ou reportées. L’abattement pour durée de détention s’applique au solde ainsi obtenu, en fonction de la durée de détention des titres dont la cession a fait apparaître les plus-values subsistant après imputation des moins-values.
Exemple : Un contribuable a cédé le 20 janvier N des actions A d’une société acquise le 5 septembre N-5 et a réalisé à cette occasion une plus-value de 20 000 €. Par ailleurs, il a cédé le 29 novembre N des actions B d’une société acquises le 15 mars N-10 et a constaté à cette occasion une moins-value de 10 000 €. Le solde constaté après imputation de la moins-value sur la plus-value s’élève à 10 000 € (20 000 – 10 000).
La durée de détention des actions dont la cession a fait apparaître la plus-value subsistant après imputation de la moins-value est d’au moins deux ans et de moins de 8 ans. Le montant de l’abattement pour durée de détention de droit commun est égal à 50 % du montant de la plus-value, soit un montant d’abattement de 5 000 €.
Le montant de la plus-value imposable, après prise en compte de cet abattement, est donc de 5 000 € (au lieu des 6 500 € de l’exemple vu précédemment). Le contribuable peut donc demander le remboursement de l’imposition correspondante.
La voie de la légalisation de la suppression de l’abattement sur les moins-values mobilières
En date du 26 novembre 2015, la Commission des Finances à l’Assemblée Nationale a adopté deux amendements visant à ajouter un article additionnel au projet de loi de finances rectificative pour 2015, lequel article viserait à supprimer l’application de l’abattement pour durée de détention aux moins-values mobilières (amendement 317 et 549).
Les députés Gilles Carrez et Olivier Carré auteurs chacun d’un amendement de suppression identique soulignent dans l’exposé des motifs : « Actuellement, le code général des impôts prévoit que la plus-value mobilière est abattue de 50% au bout de deux, et de 65% après huit ans. Ce dispositif vise à inciter le détenteur à conserver ses titres longtemps, en stabilisant ainsi l’actionnariat des entreprises.
Le redevable a également la possibilité de contracter ses moins-values et ses plus-values pendant une durée de 10 ans ; en pareille hypothèse, l’instruction fiscale a précisé que l’abattement s’appliquait également aux moins-values.
Une telle interprétation est peu conforme à l’esprit et à la lettre de l’abattement pour durée de détention ; elle peut conduire les redevables à se défaire en urgence de positions perdantes pour éviter un effet de seuil ».
Ces amendements devront être rediscutés en séance publique à partir du 30 novembre afin d’être adoptés le cas échéant.
Les possibilités de réclamation pour le contribuable
Les contribuables concernés par ces demandes de remboursement sont ceux qui ont imputé des moins-values sur leurs plus-values de 2013 et/ou 2014, et ceux qui ont réalisé au cours de ces mêmes années des moins-values frappées par l’abattement (et donc mises en report sur les années ultérieures).
Les contribuables qui souhaitent retrouver le plein usage de leurs moins-values pour les années à venir et demander la restitution du montant correspondant de l’impôt sur le revenu, et le cas échéant des prélèvements sociaux et de la contribution sur les hauts revenus payés au titre des années postérieures, peuvent former une réclamation préalable jusqu’au 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la mise en recouvrement du rôle soit jusqu’au 31 décembre 2016 pour les revenus de 2013 mis en recouvrement en 2014, et jusqu’au 31 décembre 2017 pour les revenus de 2014 mis en recouvrement en 2015.
La réclamation se formalisera par le dépôt de déclarations rectificatives (déclaration 2042 et le cas échéant déclaration 2074 et 2041 SP) avec à l’appui les justificatifs bancaires correspondants.
La plupart des établissements bancaires vont sans doute rééditer les extraits fiscaux à la demande de leur client. Il est à noter que les établissements bancaires étrangers n’avaient presque jamais appliqué l’abattement pour durée de détention dans leur relevé fiscal, que ce soit sur les plus-values ou sur les moins-values. Il revient donc au contribuable de retraiter ces données dans la déclaration de plus-values mobilières n°2074.