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Le prélèvement à la source : la grande réforme du recouvrement de l'impôt sur le revenu


Le 20 décembre 2016, l’Assemblée Nationale a adopté en deuxième lecture le texte prévoyant la mise en place du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (article 60 de la loi de finances pour 2017 n°2016-1917).

Il ne s’agit pas d’une réforme des modalités de calcul de l’impôt sur le revenu mais bien d’une « révolution du mode de recouvrement » de ce dernier. Ce dispositif, opérationnel dans la plupart des grands pays développés, permet de supprimer le décalage d’un an entre la perception d’un revenu et le paiement de l’impôt correspondant et ainsi faire coïncider autant que possible les revenus et les impôts acquittés sur ces revenus.

La mise en place du prélèvement à la source effective au 1er janvier 2018 semble complexe et a fait l’objet d’un texte fleuve qu’il convient de synthétiser dans cette note.

1. Les personnes et les revenus concernés par la réforme

  • La retenue à la source consiste à faire prélever le montant de l’impôt par un tiers payeur au moment du versement au contribuable des revenus sur lesquels porte l’imposition.

Cette réforme va s’appliquer aux salariés, comme aux retraités et aux indépendants. Ainsi, tous les revenus d’activité (salaires et professions indépendantes), les retraites, les revenus de remplacement et les revenus fonciers seront concernés.

Sont donc exclus du prélèvement à la source, les plus-values immobilières et les revenus de capitaux mobiliers en raison des impositions dont ils font déjà l’objet l’année de leur réalisation. Les plus-values de cession de valeurs mobilières seront également exclues du champ du prélèvement « à ce stade » en raison de leur caractère exceptionnel et de l’impossibilité de les anticiper.

Par ailleurs, seraient exclus les indemnités versées sur décision de justice en réparation d’un préjudice moral, les avantages afférents à l’attribution d’actions gratuites ou à des conditions préférentielles dans le cadre de l’actionnariat salarié, les rémunérations de source française versées à des non-résidents et supportant déjà une retenue à la source ainsi que les revenus de source étrangère imposables en France ouvrant droit à des crédits d’impôt en France en application des conventions internationales.

  • Les modalités de prélèvement vont différer en fonction de la nature des revenus

Pour les salaires et les revenus assimilés (retraites et chômage), l’impôt sera collecté par l’entreprise ou l’organisme versant les revenus, qui appliquera le taux d’imposition transmis de manière automatisée par l’Administration fiscale.

Pour les revenus des indépendants (bénéfices agricoles, commerciales ou professions libérales) et les revenus fonciers, l’impôt sur les revenus de l’année en cours fera l’objet d’acomptes calculés par l’administration sur la base de la situation passée et prélevés mensuellement ou trimestriellement. En cas de forte variation des revenus, ces acomptes pourront être actualisés à l’initiative du contribuable en cours d’année, dans les mêmes conditions que le prélèvement à la source applicable aux revenus versés par un tiers.

2. Le calendrier de la mise en place du prélèvement à la source

  • Second semestre 2017

L’Administration fiscale communiquera à l’employeur (ou autres verseurs de revenus) le taux de prélèvement qui sera calculé sur la base des revenus 2016 déclarés au printemps 2017. Le contribuable connaitra également ce taux puisqu’il figurera sur son avis d’imposition adressé à l’été 2017. Il pourra alors le cas échéant opter pour un taux individualisé au sein du couple ou choisir de ne pas transmettre de taux à son employeur s’il est salarié.

  • Au 1er janvier 2018 ou dès le premier revenu versé en 2018

Ce taux de prélèvement sera appliqué au salaire, à la pension, ou au revenu de remplacement : le prélèvement à la source sera automatique, et apparaitra clairement sur la fiche de paie notamment.

  • Septembre 2018

Le taux de prélèvement sera actualisé pour tenir compte des changements éventuels consécutifs à la déclaration des revenus de 2017 effectuée au printemps 2018. C’est ce taux qui sera utilisé à partir de janvier 2019 et qui sera ensuite actualisé chaque année, en septembre.

3. Le taux applicable et la confidentialité

  • Un taux calculé par l’administration

Le taux du prélèvement sera calculé par l'administration sur la base des revenus connus en appliquant aux assiettes respectives de la retenue à la source et de l'acompte un taux d'imposition unique calculé par l'administration pour chaque foyer fiscal :

- sur la base des impôts et des revenus de l'avant-dernière année, pour le calcul de la retenue à la source et des acomptes afférents à la période de janvier à août de l'année concernée,

- sur la base de ceux de l'année précédente pour les prélèvements opérés de septembre à décembre.

A défaut d'impôt et de revenu de référence disponibles, les données retenues pour le calcul du taux seraient celles, à la date du prélèvement, de la dernière année pour laquelle l'impôt a été établi sans que celle-ci puisse être antérieure à l’année n−3. Dans le cas contraire, il serait alors fait application un taux forfaitaire « par défaut », lequel peut également s'appliquer, sous certaines conditions, sur option du contribuable.

Un taux de droit commun calculé abstraction faite des réductions et crédits d'impôt serait égal au rapport entre l'impôt sur le revenu du foyer afférent aux revenus entrant dans le champ du prélèvement, sous déduction des seuls crédits d'impôt prévus par les conventions internationales et ces mêmes revenus, retenus pour leurs montants servant d'assiette à la retenue à la source ou à l'acompte.

L'impôt sur le revenu du foyer afférent aux seuls revenus entrant dans le champ du prélèvement retenu au numérateur de ce rapport serait déterminé en multipliant l'impôt total du foyer, issu de l'application du barème et avant imputation des réductions et crédits d'impôt, par le rapport existant entre les revenus nets imposables entrant dans le champ d'application du prélèvement (c'est-à-dire, pour les salaires et pensions, nets des frais professionnels et de l'abattement de 10 %), les déficits étant retenus pour une valeur nulle, et le revenu net imposable au barème du foyer, hors déficit, charges et abattements déductibles du revenu global.

En tout état de cause, un foyer non imposable avant réduction et crédit d'impôt au titre de l'une des années dont les éléments sont retenus pour le calcul du taux se verrait donc déterminer un taux de prélèvement nul. Par ailleurs, les contribuables dont l'impôt sur le revenu net, mis en recouvrement au titre des deux dernières années connues, est nul, et dont le montant des revenus par part de quotient familial n'excède pas 25 000 € (seuil indexé chaque année comme la limite supérieure de la première tranche du barème), se verraient aussi affecter un taux de prélèvement nul. Cette mesure s'applique aux foyers que l'imputation des réductions ou crédits d'impôt rend non imposables.

  • Un taux modulable sur demande du contribuable

En cas de hausse ou de baisse importante de vos impôts, les contribuables pourront demander à l’administration de moduler le montant du prélèvement à la source en conséquence.

Pour une modulation à la hausse, ils pourront demander à tout moment au fisc d'augmenter le taux du prélèvement à la source ou le montant de l'acompte payé sur les revenus non-salariaux. La demande prendra effet sous 3 mois et sera effective jusqu'à la fin de l'année, ou jusqu'au 31 août seulement si le taux ou acompte modulé est inférieur à celui révisé par le fisc au 1er septembre (sur la base de la dernière déclaration de revenus).

Pour une modulation à la baisse, les contribuables ne pourront l'obtenir que s’ils estiment que le montant du prélèvement à la source sur les revenus de l'année en cours est supérieur de plus de 10 % et d'au moins 200 € aux impôts qu’ils devraient finalement payer sur ces revenus.

En cas de changement de situation familiale, les contribuables ne pourront demander la modulation du prélèvement à la source au fisc qu'après l'avoir informé du changement intervenu.

  • Un taux par défaut pour préserver la confidentialité des contribuables

Enfin, plusieurs dispositions sont prises pour garantir la confidentialité des informations personnelles des contribuables :

- L’Administration fiscale sera le seul interlocuteur du contribuable dès lors que la seule information transmise au collecteur sera le taux de prélèvement qui ne révèle aucune information spécifique sur la situation du contribuable.

- Les conjoints pourront s’ils le souhaitent opter pour un taux de prélèvement fonction de leurs revenus respectifs, calculé par l’Administration, au lieu d’un taux unique pour les deux, afin de prendre en compte les disparités de revenus au sein du couple.

- Les salariés pourront opter pour l’application d’un taux neutre, refusant ainsi que leur taux personnalisé soit transmis par l’Administration fiscale au collecteur, ce taux neutre sera également appliqué si l’Administration fiscale n’est pas en mesure de communiquer un taux au collecteur.

Ce taux, proche du barème d’un célibataire sans enfant et ne percevant pas d’autre revenu, peut dans certains cas conduire à des prélèvements plus importants qu’en choisissant la transmission du taux à l’employeur. Si l’application du taux « neutre » conduit à un prélèvement moins important, par exemple du fait de la présence de revenus du patrimoine importants, le contribuable devra régler directement auprès de la DGFiP la différence, afin de garantir l’égalité de traitement des contribuables et préserver les recettes de l’Etat.

Un taux neutre de taxation s'appliquera également durant les deux premiers mois de contrat d'un salarié. Pour éviter que les salariés enchaînant les employeurs et les contrats courts soient sur-prélevés, un abattement a été voté pour les CDD de moins de deux mois correspondant jusqu'à 1,6 smic.

Enfin, ce taux sera soumis au secret professionnel, par conséquent la divulgation intentionnelle du taux par l’employeur (ou autres verseurs de revenus) pourra être sanctionnée.

4. L’imposition des revenus 2017 : une année blanche?

La transition vers le prélèvement à la source sera assurée de manière simple. L’impôt au titre des revenus non exceptionnels perçus en 2017 ne sera pas dû car annulé par un mécanisme de crédit d’impôt sur les revenus non exceptionnels.

Il ne s’agira pas pour autant d’une année fiscale « blanche » puisque l’impôt sur le revenu sera collecté chaque année : en 2017 sur les revenus de 2016, en 2018 sur les revenus de 2018 et en 2019 sur les revenus de 2019.

Il faudra déclarer les revenus perçus en 2017 à l’Administration fiscale au printemps 2018, afin de pouvoir calculer le crédit d’impôt « Modernisation du recouvrement » (CIMR) dont l’objectif est d’annuler l’impôt dû au titre des revenus de 2017 et éviter ainsi que le contribuable n’ait à supporter une double imposition en 2018 (l’impôt sur les revenus perçus en 2017 et l’impôt sur les revenus perçus en 2018 et prélevé à la source). Le contribuable en ne déclarant pas ses revenus risquerait un redressement fiscal sans pouvoir invoquer à son profit le CIMR.

Les réductions et crédits d’impôt attachés à des dépenses effectuées en 2017 seront cependant conservés : ainsi, un don accordé en 2017 à une association ouvrira droit à un avantage fiscal en 2018, sans changement par rapport à la situation actuelle.

Le CIMR sera calculé par l’administration fiscale, et devra correspondre à l’Impôt sur le revenu brut, avant imputation des éventuels réductions et crédit d’impôts afférents aux seuls revenus non exceptionnels perçus en 2017.

Afin d’éviter les abus, le législateur a prévu plusieurs dispositions particulières pour que les contribuables ne puissent pas majorer artificiellement leurs revenus de l’année 2017. Ainsi, seul l’impôt normalement dû au titre des revenus non exceptionnels perçus en 2017 sera annulé par l’application du CIMR. Les revenus exceptionnels n'échapperont pas à l'impôt et n'auront pas droit au crédit d'impôt en 2018. Les contribuables devront donc payer l'impôt sur ces revenus exceptionnels de 2017. L’administration fiscale pourra demander aux contribuables des justificatifs sur leurs revenus de 2017 pendant quatre ans, contre trois habituellement.

L'IR afférent à ces revenus exceptionnels ne serait donc pas neutralisé en 2018 (revenus perçus en 2017) et sera dû en supplément. Le projet de réforme a donné une définition large des « revenus exceptionnels » dont l’imposition ne sera pas neutralisée :

  • Dans la catégorie des traitements et salaires, seraient considérés comme exceptionnels, les revenus suivants:

- Les indemnités versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail, à l’exception des indemnités compensatrices de congé, des indemnités compensatrices de préavis, des indemnités de fin de contrat de travail à durée déterminée et des indemnités de fin de mission ;

- Les indemnités versées à l’occasion de la cessation des fonctions des mandataires sociaux et dirigeants ;

- Les indemnités versées ou des avantages accordés en raison de la prise de fonction de mandataire social ;

- Les indemnités de clientèle, de cessation d’activité et de celles perçues en contrepartie de la cession de la valeur de la clientèle ;

- Les indemnités, allocations et primes versées en vue de dédommager leurs bénéficiaires d’un changement de résidence ou de lieu de travail ;

- Les prestations de retraite servies sous forme de capital ;

- Les aides et allocations capitalisées servies en cas de conversion ou de réinsertion ou pour la reprise d’une activité professionnelle ;

- Les sommes perçues au titre de la participation ou de l’intéressement et non affectées à la réalisation de plans d’épargne constitués ;

- Les sommes issues de la monétisation de droits inscrits sur un compte épargne-temps, pour celles correspondant à des droits excédant une durée de dix jours ;

- Les primes de signature et des indemnités liées aux transferts des sportifs professionnels ;

- Les gratifications surérogatoires, qui s’entendent des gratifications accordées sans lien avec le contrat de travail ou le mandat social ou allant au-delà de ce qu’ils prévoient, quelle que soit la dénomination retenue ;

- Les revenus qui correspondent par leur date normale d’échéance à une ou plusieurs années antérieures ou postérieures ;

- Tout autre revenu qui, par sa nature, n’est pas susceptible d’être recueilli annuellement.

L’employeur peut demander à l’administration de prendre formellement position sur le traitement fiscal applicable aux éléments de rémunérations versés. L’administration se prononce dans un délai de trois mois lorsqu’elle est saisie d’une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. L’absence de réponse de l’administration dans un délai de trois mois vaut acceptation tacite de la demande de l’employeur. Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de cette demande, notamment le contenu, le lieu ainsi que les modalités de dépôt.

  • Dans la catégorie des revenus fonciers, seraient considérés comme exceptionnels et donc non couverts par le CIMR :

- Les revenus bruts perçus en 2017, mais se rattachant à d’autres années que l’année 2017 ;

- Les revenus qui, par leur nature exceptionnelle, ne sont pas appelés à se renouveler annuellement ;

- Les majorations du revenu net foncier effectuées au titre de l’année 2017 en cas de rupture d'un engagement dans le cadre des dispositifs Périssol, Besson, Robien ou Borloo.

  • Pour les indépendants (BIC, BNC, BA) et les dirigeants ainsi que leur cercle familial :

Le législateur met en place des règles particulières pour différencier les revenus exceptionnels car les possibilités d'optimisation sont les plus importantes dans ces catégories. En effet, ces contribuables ont la faculté de concentrer leurs recettes ou revenus sur un exercice donné en différant certaines charges à l’année suivante, afin de gonfler artificiellement les bénéfices ou revenus 2017 dont l'imposition devrait être neutralisée afin de minorer leurs revenus 2018 imposables.

La loi prévoit de comparer le montant des recettes et revenus 2017 à la moyenne des 3 exercices précédents. Ainsi, serait considéré comme exceptionnel tout revenu (ou bénéfice) excédant le plus élevé des revenus (ou bénéfices) imposables au titre des années 2014, 2015 ou 2016.

Les indépendants et dirigeants pourraient toutefois déroger à cette règle et obtenir un complément de CIMR, s'ils prouvent que l'excédent de revenus 2017 est justifié et ne résulte pas d'une optimisation de leur part (la bonne foi serait présumée notamment si les revenus ou recettes 2018 continuent de progresser et dépassent le montant déclaré au titre de 2017).

5. Les « perdants » de l’année de transition

Dans le cadre de mécanisme de déduction de revenu imposable, il est apparu que certains dispositifs d’optimisation fiscale ne pourraient pas être efficients si les dépenses ont été engagées en 2017.

  • Epargne retraite

Les versements sur un Plan d’Epargne Retraite Populaire (PERP) effectués en 2017 ne bénéficieront d'aucun avantage fiscal, les revenus de 2017 n'étant pas imposables.

  • Déductibilité des travaux

Afin d'éviter les abus, le gouvernement propose la mise en place d'une mesure dérogatoire d'imputation des travaux pour l'imposition des revenus perçus en 2017 et 2018.

Le montant des travaux que les bailleurs seraient autorisés à déduire en 2018 ne serait pas, par exception, celui payé en 2018 (comme habituellement), mais correspondrait à la moyenne des dépenses payées en 2017 et 2018. Cette mesure anti-abus a pour but d'éviter que les bailleurs ne diffèrent la réalisation de travaux de 2017 (année non taxée pour laquelle il n'est pas besoin de réduire leur revenu imposable) à l’année 2018, afin de considérablement réduire leur revenu imposable en 2018.

Seuls les bailleurs ayant dû faire face en 2018 à des dépenses rendues nécessaires par la force majeure, ou effectuées sur un immeuble acquis en 2018, pourraient échapper à cette règle.

***

Dans le cadre des débats parlementaires, les députés de Droite se sont vivement opposés à la mise en place du prélèvement à la source, lui préférant et proposant comme alternative un prélèvement mensualisé et contemporain. Cette dernière mesure aurait instauré des acomptes sur douze mois versés au titre des revenus de l’année n et aurait permis de conserver un lien direct et exclusif entre le contribuable et l’administration fiscale, sans intercaler un tiers payeur (employeur, organisme collecteur).

La mise en place du prélèvement à la source va sans aucun doute entrainer de nombreux débats durant l’année 2017, en raison de la nouveauté de ce dispositif pour les particuliers et de sa complexité. De plus, l’échéance des élections présidentielles semble promettre un avenir bien incertain à cette réforme, mais là encore les dépenses engagées pour la mise en place du dispositif par le gouvernement sont si importantes qu’il serait contre-productif de revenir sur cette réforme.

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