top of page

COMPTES DETENUS A L’ETRANGER Droit commun, Projet de loi de lutte contre la fraude fiscale, et nouv

De manière générale, un résident français a une obligation fiscale illimitée de déclaration tant en matière d’impôt sur le revenu (revenus mondiaux) que d’impôt de solidarité sur la fortune (biens français et étrangers). Il a également l’obligation de déclarer l’ensemble des comptes détenus à l’étranger, sous peine de lourdes sanctions (1).

Alors que le Parlement vient de voter le mardi 25 juin un projet de loi sur la lutte contre fraude et l’évasion fiscale (2) (en cours d’examen devant le Sénat), le Ministère du Budget dans une circulaire du 21 juin (3) expose les conditions dans lesquelles un contribuable peut régulariser sa situation de manière spontanée. Ainsi, la nouvelle circulaire fixe les pénalités applicables à un taux plus favorable que celui prévu par la loi en vigueur, mais il n’est plus possible d’obtenir de manière anonyme un accord préalable sur les conditions de la régularisation sollicitée. Il s’agit là d’une importante différence avec l’ancienne cellule de régularisation de 2009.

1.Les risques fiscaux en cas de non révélation des avoirs étrangers

Les personnes physiques domiciliées en France doivent déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus, les références des comptes financiers ouverts, utilisés ou clos par elles à l'étranger (comptes dont elles sont titulaires ou sur lesquels elles détiennent une procuration ou détenus indirectement). Chaque compte doit faire l'objet d'une déclaration distincte (établie sur un imprimé n°3916). Outre la sanction pénale de fraude fiscale dans certains cas, le défaut de production de la déclaration n°3916 emporte les conséquences exposées ci après.

  • Une amende fiscale

Le contrevenant encourt une amende fiscale, par an et par compte, égale, à 1 500 euros ou à 10 000 euros, lorsque le compte ou le contrat est détenu dans un Etat ou territoire qui n'a pas conclu avec la France une convention d'assistance administrative permettant l'accès aux renseignements bancaires.

Concernant les avoirs bancaires détenus en Suisse et au Luxembourg, les avenants aux conventions renforçant la coopération des états pour les échanges de renseignements bancaires n’ont été signés que dans le courant de l’année 2009 et ne sont entrés en vigueur que pour les revenus de l’année 2010. Ainsi, une amende de 10 000 euros (et non de 1 500 euros) doit s’appliquer pour les années antérieures à 2010 dans le cas d’avoirs détenus en Suisse ou au Luxembourg.

Toutefois, une amende proportionnelle s’applique depuis la loi de finances rectificative du 14 mars 2012, lorsque le total des soldes créditeurs du ou des comptes à l'étranger non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 euros au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration aurait dû être effectuée, l'amende s'élève à 5 % du solde créditeur de chaque compte non déclaré, sans pouvoir être inférieure aux montants de 1 500 euros ou 10 000 euros. Ces dispositions sont applicables aux déclarations devant être souscrites à compter de l'entrée en vigueur de la loi, c'est-à-dire à compter de l’année 2012 pour les comptes utilisés en 2011.

L’amende s’applique sur la période régularisée dans la limite de la prescription quadriennale prévue à l’article L188 du LPF, soit jusqu’à la fin de la 4ème année suivant celle au cours de laquelle l’infraction a été commise. Ainsi jusqu’au 31 décembre 2013, il est possible de recouvrir une amende fiscale portant sur une infraction de 2009 (déclaration des revenus de 2008 et de comptes de 2008).

  • Une présomption de revenus

Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire des comptes ou contrats non déclarés constituent des revenus imposables, sauf preuve contraire (revenus déjà soumis à l’impôt ou correspondant à des sommes exonérés). Le montant des droits correspondants est soumis à la majoration de 40 %, à laquelle s'ajoute l'intérêt de retard. La loi prévoit également l'assujettissement des revenus ainsi taxés aux contributions sociales sur les revenus du patrimoine (taux de 15,5%).

  • Une procédure de demande d’informations ou de justifications spécifiques (article L 23C du LPF)

Lorsque l'obligation déclarative n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'administration peut demander aux personnes physiques de fournir dans un délai de soixante jours des informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs placés sur leurs comptes ou contrats dissimulés et, en l'absence de réponse, taxer d'office les revenus considérés aux droits de mutation à titre gratuit au taux de 60 %.

  • Un délai spécial de reprise de l’imposition due en principal

En matière d'ISF et autres droits d’enregistrement :

Le délai de reprise de l’Administration fiscale a été modifié dans la loi de finances pour 2013 et peut s'exercer jusqu'au 31 décembre de la dixième année suivant celle où l'exigibilité des impôts ou droits relatifs à des avoirs détenus à l'étranger n’a pas été suffisamment révélée dans le document enregistré ou présenté à la formalité.

Cette mesure ne s'appliquant qu’aux délais de reprise venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2012, l’année 2006 est donc prescrite au 1er janvier 2013 : le rappel d’ISF correspondant aux avoirs étrangers non déclarés ne peut se faire que sur les années 2007 (patrimoine au 1/01/2007) à 2013 (patrimoine au 1/01/ 2013).

En matière d'IR et de prélèvements sociaux :

Le droit de reprise s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition était due lorsque les obligations déclaratives n'ont pas été respectées. Cette mesure ne s'appliquant qu’aux délais de reprise venant à expiration postérieurement au 31 décembre 2012, l’année 2005 est donc prescrite au 1er janvier 2013. : le rappel d’IR correspondant aux revenus des avoirs étrangers non déclarés ne peut se faire que sur les années 2007 (revenus de 2006) à 2013 (revenus de 2012).

Toutefois, cette prorogation du délai de reprise ne s'applique pas lorsque le contribuable apporte la preuve que le total des soldes créditeurs de ses comptes à l'étranger est inférieur à 50 000 € au 31 décembre de l'année au titre de laquelle la déclaration devait être faite.

  • Les pénalités de droit commun sur l’impôt du en principal :

- intérêt de retard au taux de 0,4% par mois de retard,

- majoration de 40% en cas de manquement délibéré (automatique dès lors qu’il y a omission de déclaration) ou de 80% en cas de manœuvres frauduleuses.

  • L’application éventuelle de l’article 123 bis en cas de structure interposée.

Toute personne physique domiciliée en France qui détient, directement ou indirectement, 10 % au moins des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique établie ou constituée hors de France et dont le patrimoine est principalement composé d'actifs financiers et monétaires est imposable en France à raison des revenus correspondants, lorsque cette structure est soumise à un régime fiscal privilégié. La personne physique est imposée au titre des revenus de capitaux mobiliers, même en l'absence de toute distribution, sur les bénéfices ou revenus positifs de la structure étrangère dans la proportion des titres qu'elle détient, directement ou indirectement.

L'imposition n'est pas applicable, lorsque l'entité juridique est établie ou constituée dans un Etat de la Communauté européenne, si l'exploitation de l'entreprise ou la détention des titres ou droits de cette entité par la personne domiciliée en France ne peut être regardée comme constitutive d'un montage artificiel dont l'objet serait de contourner la législation fiscale française. De plus, en cas de distribution effective par l'entité étrangère, cette distribution n'est pas imposable à hauteur des revenus antérieurement réputés distribués.

2.Le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale

Le projet de loi généraliserait le champ d'application des présomptions caractérisées de fraude et autoriserait le recours à la procédure judiciaire d'enquête fiscale (article L 228 du LPF), laquelle sera notamment ouverte en cas d'utilisation de comptes ou de contrats détenus dans des Etats non coopératifs (ou coopératifs depuis moins de trois ans, soit la Suisse et le Luxembourg dont les avenants ne sont entrés en vigueur que depuis 2010) ou d'interposition dans ces mêmes Etats de personnes physiques ou morales ou d'autres organismes.

En outre, ce projet prévoit de redéfinir les circonstances aggravantes du délit de fraude fiscale et de renforcer les sanctions applicables, déjà modifiées par la loi du 14 mars 2012. Les peines encourues seraient ainsi portées à 2 000 000 euros et sept ans d'emprisonnement lorsque les faits auraient été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen notamment de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis à l'étranger ; de l'interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, établis à l'étranger ; d'une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l'étranger ; ou encore d'un acte fictif ou artificiel ou de l'interposition d'une entité fictive ou artificielle.

3.Les modalités de régularisation auprès de la nouvelle cellule
(circulaire « Cazeneuve » du 21 juin 2013).

Dans une circulaire du 21 juin 2013, le ministre du budget a précisé au Directeur général des finances publiques les conditions dans lesquelles les pouvoirs publics désireraient que les régularisations d’avoirs étrangers soient traitées par les services fiscaux.

Sont concernés par ce dispositif les contribuables personnes physiques détenant des avoirs à l’étranger, qui se font connaître auprès de l’administration fiscale et qui rectifient spontanément leur situation fiscale passée en acquittant l’ensemble des impositions éludées et non prescrites dans les conditions de droit commun, en principal ainsi que les pénalités et amendes correspondantes, dont le montant sera revu à la baisse.

Cette nouvelle « cellule de régularisation » a vocation à se pérenniser si on interprète de manière extensive la lettre de la circulaire qui impose qu’un « rapport annuel sera transmis au Parlement ». Ainsi, et contrairement à ce qui avait été annoncé, celle-ci continuerait d’exister après l’entrée en vigueur de la loi de lutte contre la fraude fiscale, dans la mesure où aucun contrôle fiscal ne serait initié avant la régularisation spontanée.

  • Pièces à fournir et modalités de dépôt du dossier.

La régularisation des comptes détenus à l'étranger doit nécessairement passer par des déclarations complémentaires ou rectificatives sur les années susceptibles de faire l'objet d'une reprise par l'Administration, tant en matière d’ISF que d’impôt sur le revenu. La régularisation est possible même dans le cas d’un avoir étranger ne permettant pas de dépasser les seuils d’imposition d’ISF et en l’absence de déclarations rectificatives d’ISF ou d’IR.

Outre ces déclarations, le dossier du contribuable doit comprendre :

- Un écrit exposant de manière précise et circonstanciée l’origine des avoirs détenus à l’étranger accompagné de tout document probant justifiant de cette origine ou constituant un faisceau d’éléments de nature à l’établir. A défaut de justifications de l’origine, le contribuable s’expose à une taxation aux droits d’enregistrement de 60% ;

- Les justificatifs bancaires des revenus et des avoirs : les justificatifs relatifs aux montants des avoirs détenus, directement ou indirectement, à l’étranger et des revenus de ces avoirs sur la période régularisée ;

- Un justificatif de non alimentation du compte en cas de succession lorsque les avoirs ont pour origine une succession ou une donation : une attestation de l’établissement financier étranger précisant l’absence d’alimentation du compte par le contribuable ou tout autre justificatif permettant de constater que le compte n’a pas été alimenté par le contribuable postérieurement à la succession ou à la donation ;

- Une attestation de sincérité du contribuable selon laquelle son dossier est sincère et porte sur l’intégralité des comptes et avoirs non déclarés détenus à l’étranger qu’il possède ou dont il est l’ayant droit ou le bénéficiaire économique.

Les dossiers seront traités par la DNVSF (Direction nationale de vérification des situations fiscales) qui assurera un contrôle centralisé et homogène des demandes qui pourront être déposées soit auprès du service des impôts des particuliers dont relève le contribuable, soit directement de préférence auprès de cette « cellule » (DNVSF – 34 rue Ampère – 75017 Paris). Les demandes ne seront plus anonymes comme auparavant.

  • Modulation des pénalités

Les contribuables devront s’acquitter du paiement intégral des impositions supplémentaires à leur charge et des amendes :

- impôt du en principal pour l’IR et l’ISF au titre de chacune des années concernées selon les règles de prescription de droit commun ;

- intérêts de retard sur l’imposition due en principal au taux de 0,4% par mois de retard, au titre de chacune des années concernées ;

- afin de tenir compte de la démarche spontanée du contribuable, la majoration pour manquement délibéré et l’amende pour défaut de déclaration des avoirs à l’étranger seront réduites, dans les conditions suivantes résumées dans le tableau ci après. Il est précisé que les majorations pour manquement délibéré ne trouve à s’appliquer que s’il existe des impositions complémentaires au titre de l’IR ou de l’ISF, et non sur la base d’imposition, contrairement à l’amende.

Afin de déterminer les sanctions applicables, l'administration fiscale cherchera aussi à savoir si le contribuable a hérité d'une situation qui a été créée par des ascendants dans un souci de protection d'actifs, de moyens de vie (à une époque troublée comme la seconde guerre mondiale), de fait (ascendants ayant épargné des revenus par ailleurs fiscalisés dans un autre pays), ou s'il a été le maître d’œuvre ou complice d'un montage visant à éluder l'impôt.

Les démarches de régularisation devraient exclure toute mise en cause pénale pour fraude fiscale dès lors qu’il s’agit d’une révélation spontanée, sauf des cas particuliers d’activité occulte ou de montages artificiels en bande organisée où le ministre se réserve le droit de saisir la juridiction pénale. Par ailleurs, les pénalités de 80% pour manœuvres frauduleuses ne seraient pas réduites et seraient maintenues en totalité.

Enfin, si le contribuable n’est pas en mesure de justifier l’origine des avoirs étrangers et qu’il est considéré comme « actif », dès lors que ces avoirs auront été constitués lorsqu’il résidait fiscalement en France, la sanction fiscale à laquelle il s’expose est très lourde (30% de pénalités sur les sommes dues en principal en IR et ISF, auquel s’ajoute une taxation aux droits d’enregistrement de 60% sur le montant des avoirs).

Les personnes candidates à la régularisation ont alors tout intérêt à se faire assister d’un conseil qui pourra chiffrer le montant des redressements en découlant (ainsi que les risques encourus en l’absence d’une telle régularisation) et les accompagner dans cette procédure, notamment quand cette démarche s’inscrit dans le cadre d’un héritage familial passé (l’Administration pouvant être amenée à faire des recoupements).

bottom of page