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Les nouveautés fiscales de la rentrée 2018

Chaque rentrée, le gouvernement présente les grandes lignes du projet de loi de finances selon sa politique d’orientation fiscale. La précédente loi de finances ayant été très dense avec notamment la flat tax, la cuvée 2019 (Projet de Loi de Finances pour 2019 présenté en conseil des ministres le 24 septembre 2018) aménage à la marge la fiscalité des particuliers et des entreprises à l'exception notoire du pacte Dutreil transmission et du régime d’intégration fiscale pour les groupes d’entreprises.

Deux autres lois doivent également retenir notre attention concernant la procédure fiscale avec la consécration du droit à l’erreur en fiscalité (Loi pour un État au service d’une société de confiance du 31 juillet 2018) et un dispositif antifraude fiscale de plus en plus répressif (Projet de loi relatif à la lutte contre la fraude adopté en AN le 26 septembre 2018).


Nous revenons en détail sur l'essentiel de ces nouveaux dispositifs fiscaux.

1. Fiscalité des particuliers dans le PLF 2019

  • Mesures d’accompagnement du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (Art. 3)

Pour éviter que les bénéficiaires de crédits d’impôt et réductions d’impôt n’aient à supporter le coût en trésorerie pouvant résulter du décalage entre la date du prélèvement et celle du versement de l’avantage fiscal, beaucoup de ces dispositifs feront l’objet d’une avance de versement le 15 janvier 2019, et cette avance sera portée à 60 % du montant des avantages perçus en 2018 au titre de l’année 2017.

Les réductions et crédits d’impôt concernés seront :

  • les réductions d’impôt en faveur des investissements locatifs (« Censi-Bouvard », « Scellier », « Duflot », « Pinel »). Afin de ne pas traiter de manière différente les investissements locatifs en outre-mer, la réduction d’impôt au titre du logement outre-mer ouvre également droit au bénéfice de l’avance ;

  • la réduction d’impôt au titre des dépenses d’hébergement en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ;

  • la réduction d’impôt au titre des dons effectués par les particuliers ;

  • et le crédit d’impôt au titre des cotisations syndicales.

En pratique, l’avance, versée pour la première fois dès le mois de janvier 2019, permettra aux contribuables concernés de percevoir, dès le début de l’année, un versement correspondant à plus de la moitié des avantages fiscaux dont ils ont bénéficié l’année précédente (2018) au titre de l’année 2017.

  • Aménagement du dispositif Dutreil (Art. 16)

Le dispositif fiscal en faveur de la transmission à titre gratuit des entreprises, dit « Dutreil transmission » est modernisé et simplifié pour encourager les transmissions d’entreprises :

  • en cas de cession ou de donation de titres inclus dans un ECC par un héritier ou donataire à un autre associé de l’engagement collectif, l’exonération partielle ne serait plus remise en cause qu’à hauteur des seuls titres « pactés » cédés ou donnés.

  • L’apport de titres à une société holding en cours d’engagement collectif serait permis ainsi que l’apport de titres d’une société holding détenant elle-même directement des titres de la société objet du pacte Dutreil. L’actionnariat de la holding et son actif pourront ainsi, dans certaines limites posées par la loi, être diversifiés.

  • L’obligation déclarative annuelle de fourniture à l’administration d’une attestation permettant de contrôler le respect des engagements souscrits est supprimée. Une telle attestation ne sera réclamée au redevable qu’en début et en fin de pacte et, le cas échéant, sur demande de l’administration seulement, en cours de pacte.

  • Enfin il est confirmé que le principe du caractère figé des participations à chaque niveau d’interposition s’applique également pendant la phase d’engagement individuel de conservation des parts ou actions.

  • Aménagement du dispositif d’exit tax pour l’Imposition des plus-values en cas de transfert du domicile fiscal hors de France (Art. 51)

Le dispositif actuel dit d’« exit tax » est remplacé par un nouveau dispositif anti-abus limité aux seules personnes qui, ayant quitté le territoire français, cèdent leurs titres moins de deux ans après leur départ. Il s’agit ainsi de ne conserver qu’un mécanisme de nature à prévenir les risques d’optimisation en ciblant les contribuables qui transfèrent leur domicile hors de France pour y céder rapidement leurs titres.

Par ailleurs, le sursis de paiement de l’impôt sera désormais accordé de plein droit, sans constitution de garanties. La constitution de garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor ne reste exigée que des contribuables transférant leur domicile dans un État ou territoire n’ayant pas conclu avec la France de telles conventions.

Le nouveau dispositif s’applique aux transferts de domicile fiscal intervenant à compter du 1er janvier 2019.

  • Prorogation d’un an du crédit d’impôt en faveur de la transition énergétique (CITE) - (Art. 57)

L’article 57 a pour objet de proroger la période d’application du CITE pour une année, soit jusqu’au 31 décembre 2019.

Le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) s’est substitué au crédit d’impôt développement durable (CIDD) et ce depuis le 1er septembre 2014, afin d’inciter les ménages à s’engager dans une démarche d’amélioration de la performance énergétique des logements et de soutenir l’activité du secteur du bâtiment.

2. Fiscalité des entreprises dans le PLF 2019

  • Réforme du régime de l’intégration fiscale pour les groupes d’entreprises (Article 12)

Il est ainsi prévu de ne plus neutraliser dans le calcul du résultat d’ensemble les subventions et abandons de créances consentis entre les membres d’un groupe, ni la quote-part de frais et charges imposable à raison des plus-values de cession de titres de participation réalisées au sein d’un groupe et relevant du taux d’impôt sur les sociétés de 0 %. Corrélativement, il est proposé de réduire le taux de cette quote-part de frais et charges de 12 % à 5 % pour toutes les entreprises.

Par ailleurs, le traitement fiscal des distributions versées à l’intérieur du groupe inéligibles au régime des sociétés mères serait rendu équivalent à celui applicable aux dividendes intra-groupe éligibles à ce régime : les dividendes inéligibles au régime des sociétés mères ne seraient ainsi plus neutralisés intégralement, mais à hauteur de 99 % de leur montant.

Il est également proposé d’étendre certains avantages du régime de groupe relatifs aux dividendes à certaines situations où une société membre d’un groupe perçoit des distributions de filiales établies dans un autre État membre de l’UE.

  • Création de zones franches d’activité nouvelle génération (ZFANG) – (Art. 6)

Cette réforme consiste en la suppression des dispositifs ZRR et ZFU-TE et en la création de « zones franches d’activité nouvelle génération » (ZFANG) mieux ciblées et renforcées en remplacement des actuelles ZFA.

  • Réforme des dispositifs de limitation des charges financières (Article 13)

Il est établi une règle plafonnant la déduction des charges financières nettes à 30 % du résultat avant impôts, intérêts, provisions et amortissements (EBITDA) ou à 3 millions d’euros, si ce montant est supérieur.

3. Le droit à l'erreur en fiscalité

Définitivement adoptée le 31 juillet 2018, la loi pour un État au service d’une société de confiance renforce notamment le droit à l’erreur du contribuable et institue de nouvelles garanties en cas de contrôle fiscal.

  • Nouvelles possibilités de régularisation

- L’intérêt de retard est réduit de 50 % en cas de rectification spontanée avant tout contrôle d’une erreur de déclaration.

- La procédure de régularisation spontanée en cours de contrôle est généralisée à tous les contrôles.

- La doctrine administrative permettant de ne pas appliquer l’amende en cas de défaut de déclaration des commissions, courtages et honoraires au titre des trois années précédentes est légalisée et étendue aux régularisations en cours de contrôle fiscal.

- Sous certaines conditions, l’amende de 5 % sanctionnant le défaut de production de certains documents devient non-applicable en cas de réparation de cette omission soit spontanément, soit à la première demande de l’administration.

- Plusieurs aménagements sont prévus en matière douanière, dont des dispositions particulières concernant le droit à l’erreur et la réduction de l’intérêt de retard en cas de régularisation.

  • Renforcement des garanties des contribuables

- La sécurité juridique des entreprises dont la comptabilité est contrôlée est renforcée : dorénavant, tout point examiné et ne faisant pas l’objet d’une rectification peut, sous certaines conditions, être opposé à l’administration lors d’un contrôle ultérieur.

- Un recours hiérarchique est institué en faveur des contribuables faisant l’objet d’un contrôle sur pièces.

- Le Gouvernement pourra instituer par ordonnance une nouvelle« relation de confiance » permettant aux entreprises de demander à l’administration une prise de position formelle dans des conditions spécifiques.

  • Mesures diverses

- Le dispositif d’application de sanctions pénales spécifiques aux cas de divulgation du taux du prélèvement par les collecteurs de la retenue à la source est abrogé.

- L’administration fiscale rend librement accessibles au public, par voie électronique, les informations qu’elle détient au sujet des valeurs foncières déclarées à l’occasion des mutations des cinq dernières années.

4. Lutte contre la fraude fiscale

Le 26 septembre 2018, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude qui marque un renforcement de cette lutte avec des pouvoirs importants donnés à l’administration fiscale et dont les principales mesures sont les suivantes :

  • L’article 1 du projet de loi vise à instaurer un nouveau service d’enquête fiscale au sein du ministère du budget.

  • L’article 3 du projet de loi vise à renforcer les dispositifs d’échanges d’informations entre administrations, organismes et autorités chargées de la lutte contre la fraude.

  • L’article 3 bis complète le champ des obligations déclaratives des contribuables s’agissant des comptes qu’ils détiennent à l’étranger. À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 1649 A du CGI, après le mot : « ouverts, », il est inséré le mot : « détenus »

  • L’article 3 ter B. Actuellement, l’administration fiscale dispose d’un délai de reprise de dix ans sur les revenus générés par des comptes détenus à l’étranger et non déclarés. Le délai est toutefois ramené à trois ans, si le solde des comptes détenus à l’étranger est inférieur à 50 000 € au 31 décembre de l’année au titre de laquelle ces comptes auraient dû être déclarés. Le seuil de 50 000 € est analysé sur l’ensemble de l’année, et non plus à la seule date du 31 décembre.

  • L’article 4 actualise et renforce les obligations déclaratives pesant sur les plateformes en ligne.

  • L’article 4 septies qui étend la taxation d’office des œuvres d’art et objets de collection

  • L’article 4 octies aménage la procédure de flagrance fiscale prévue à l’article L. 16-0 BA du LPF.

  • L’article 5 qui prévoit une publication par défaut mais non automatique de la peine complémentaire de publication et de diffusion des décisions de condamnation pénales pour fraude fiscale.

Dorénavant, la publicité des sanctions administratives à l’encontre des personnes physiques et morales ayant commis une fraude fiscale sera la règle. Elle permettra d’éprouver la fameuse politique dissuasive du « name and shame », de confronter les personnes sanctionnées à leur responsabilité et, ainsi, les forcera à en assumer pleinement les conséquences aux yeux de tous.

  • L’article 7 introduit une sanction, sous la forme d’une amende, contre les personnes complices de fraude fiscale ou sociale, de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit à travers la fourniture intentionnelle à un contribuable d’une prestation ayant directement permis les agissements sanctionnés, l’objet des prestations en cause étant précisé de façon non exhaustive.

  • L’article 7 quater vise à proroger un système d’indemnisation au profit des personnes qui révèlent des informations pouvant être utiles aux services fiscaux dans la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

  • L’article 13 met fin du monopole accordé à l’administration fiscale pour le dépôt de plaintes pour fraude fiscale "verrou de Bercy" dès lors que le montant des droits éludés dépasse 100.000 €.

  • L’article 14 permet aux directions de contrôle de porter directement plainte elles-mêmes pour fraude fiscale sans passer par les directions départementales.

Eve d’Onorio di Méo

Avocat spécialiste en Droit Fiscal

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