
Le 7 juillet 2024, les français sont appelés à voter pour les élections législatives. Sauf à obtenir un gouvernement sans aucune majorité absolue et sans coalition, les programmes fiscaux des deux principaux partis promettent d’importants changements fiscaux dans la fiscalité des ménages français, mais aussi pour les résidents étrangers qui ont des actifs en France.
Programme empreint de démagogie ou de réalité, il existe toutefois des principes constitutionnels dont le Conseil Constitutionnel est garant et des principes européens de liberté de circulation qui pourront faire barrage à ces mesures. Le dernier mot devrait revenir comme à chaque loi de finances au Conseil Constitutionnel qui aura le pouvoir de censurer nombreuses de ces mesures.
Le programme fiscal du Nouveau Front Populaire (NFP)
Le programme fiscal du Nouveau Front Populaire tend à faire contribuer davantage les plus aisés au Budget de l’État, notamment par un rétablissement de l’ISF, par une imposition plus lourde des revenus élevés et par un durcissement de l’imposition des successions.
Si ce parti a la majorité absolue à l’Assemblée nationale, une vaste réforme fiscale serait engagée dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative présenté début août. Nombreuses de ces mesures démagogiques et confiscatoires ne devraient pas pouvoir aboutir grâce à la censure du Conseil Constitutionnel.
Voici les mesures fiscales principales :
· Impôt sur le revenu à 14 tranches et plus important à compter de 100 000 euros de revenus.
Le Nouveau Front Populaire souhaite rendre le barème de l’impôt sur le revenu plus progressif, en passant à 14 tranches. Dans ce projet de texte surprenant qui sera sûrement sanctionné par le Conseil Constitutionnel, plus aucun français ne serait exonéré d’impôt et les revenus inférieurs à 15 000 euros contribueraient de 1 à 5%. A compter de 100 000 euros par tranche, les revenus seraient taxés à 50% et plus encore avec une dernière tranche à 90% au-delà de 400 000 euros.
· Suppression de la flat tax sur les revenus financiers
Le Nouveau Front Populaire veut supprimer la flat tax, de manière à soumettre les revenus financiers au nouveau barème de l’impôt sur le revenu mentionné plus haut. Attention, cette mesure serait susceptible de s’appliquer à tout revenu perçu ou distribution décidée depuis le 1er janvier 2024 de manière rétroactive.
· Rétablir un exit tax plus sévère
Il serait proposé de revenir à un exit tax plus sévère semblable à la première version de 1998 introduite par le ministre des finances de l’époque Dominique Strauss-Kahn. Il est important de souligner que ce dispositif a été à plusieurs reprises remanié pour être en conformité avec le droit européen. Si le Nouveau Front populaire envisageait une telle réforme, il y a fort à parier que celle-ci se heurterait à une nouvelle censure de la Cour de Justice de l’Union Européenne pour non-conformité avec le principe de libre circulation.
· Rétablissement de l’ISF
Le Nouveau Front Populaire souhaite rétablir l’impôt sur la fortune en incluant les patrimoines financiers et l’outil professionnel (parts détenues dans les entreprises ou l’immobilier d’entreprise). De plus, il est envisagé une modulation du taux de taxation en fonction de l’empreinte carbone du patrimoine financier. Incorporer tout outil professionnel dans l’ISF serait une nouveauté extrêmement pénalisante pour le patrimoine des entrepreneurs et des entreprises.
· Réforme de la fiscalité sur les successions
L’alliance des partis de gauche veut ainsi refondre les droits de succession en prévoyant d’une part la majoration à 120.000 euros de l’abattement par parent et par enfant, contre 100.000 euros actuellement, ce qui conduirait à alléger l’imposition des « petites » successions, et d’autre part d’instaurer un barème à 16 tranches, avec notamment un taux de 47% à partir de 674.800 euros de patrimoine taxable et un taux maximum de 95% pour la tranche allant au-delà 10.530.000 euros. Enfin, il serait question d’instaurer un héritage maximum à 12 millions d’euros, ce qui reviendrait à imposer les successions à 100% au-delà de ce seuil. Toutefois, le Conseil Constitutionnel pourrait censurer cette mesure sur la base du principe de proportionnalité de l’impôt dès lors que celui ci revêtirait un caractère confiscatoire ou ferait peser sur une catégorie de contribuables une charge excessive au regard de leurs facultés contributives.
· Taxe sur les transactions financières durcie
Une taxation renforcée des transactions financières figure au programme du Nouveau Front Populaire. On ne sait pas encore quelle forme prendrait ce durcissement de la taxe sur les transactions financières (hausse du taux, élargissement de la nature des transactions visées, ou les deux, champ territorial).
Le programme fiscal du Rassemblement National (RN)
Le projet budgétaire du Rassemblement national est de nature néolibérale et semble avantager les plus fortunés et non les classes moyennes et populaires, comme le parti d’extrême droite l’affirme pourtant. Les allégements fiscaux et dépenses nouvelles sont peu ou pas financés, ce qui représente un réel danger en matière de dépenses budgétaires et déficit. A ce stade, les propositions sont très imprécises.
En cas de victoire, le parti a prévu de lancer immédiatement un projet de loi de finances rectificative pour mettre en œuvre son programme, laquelle loi ne se heurterait pas forcément aux principes constitutionnels régissant les impôts car elle concernerait des allégements d’impôt (non financés toutefois en contrepartie). Certaines mesures se heurterait toutefois aux règles et directives européennes.
Voici les mesures phares du programme :
· Suppression de l’impôt sur le revenu pour les entrepreneurs de moins de 30 ans
Le Rassemblement national propose d'exonérer d’impôt sur le revenu les jeunes de moins de 30 ans, afin d’éviter que les jeunes « cerveaux » fuient à l'étranger. Cette mesure pourrait être déclarée anti constitutionnelle eu égard aux principes de l'égalité devant la loi fiscale et l'égalité devant les charges publiques.
· Remplacement de l’IFI par l’IFF
Le Rassemblement national propose de remplacer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) par l’impôt sur la fortune financière (IFF) qui serait un impôt sur le patrimoine financier et immobilier excluant la résidence principale, ainsi que l’ensemble des actifs immobiliers et mobiliers nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle (exonération partielle à hauteur de 75%). Cet impôt serait une sorte d’ISF (ancien régime avant 2018) avec une exonération de la résidence principale, mais avec une réintégration de 25 % du patrimoine professionnel.
· Réforme de la fiscalité des successions et donations
Le Rassemblement national propose de supprimer totalement les impôts sur les héritages directs pour les familles modestes et la classe moyenne, sans donner de précisions sur le niveau de revenus des personnes visées.
Le RN propose un plafond de 100.000 euros pour les parents comme pour les grands-parents mais tous les 10 ans et non plus tous les 15 ans. Il a également été évoqué de sortir les biens immobiliers de l’assiette des droits de succession à hauteur de 300 000 euros.
· Exonération fiscale et sociale des plus-values immobilières
Au début de l’année 2024, le RN avait déposé un projet de loi visant à abaisser la durée à quinze ans pour bénéficier d’une exonération fiscale et sociale totale des plus-values immobilières. Cet avantage s’ajouterait à celui applicable à la résidence principale. Par cette mesure, il prétendrait réduire les tensions sur le marché de l’immobilier.
· Baisse de la TVA à 5,5 % sur certains produits (carburant, électricité et gaz).
La baisse de TVA sur les carburants n’est pas permise par le droit européen. La directive TVA, révisée en 2022, ne réserve la possibilité d’instaurer des taux réduits pour que des produits et prestations mentionnées expressément dans son annexe III31, dont la livraison d’électricité, de biogaz, de gaz naturel et de bois de chauffage. Le taux réduit est donc possible pour la consommation domestique, mais non pour faire rouler son véhicule.
***
Les promesses des partis en lice pour les législatives n’engagent donc que ceux qui les écoutent…
Nombreuses de ces mesures d’un camp comme de l’autre sont irréalisables ou seront censurées par les instances garantes de nos libertés. Une mesure commune semble toutefois se dessiner avec des variantes et avoir toutes les chances d’être votée après ce 7 juillet : le rétablissement d’un impôt sur la fortune au sens large incluant le patrimoine financier.
Eve d’Onorio di Méo
Avocat Spécialiste en Droit Fiscal
Hozzászólások