RETOURNEMENT DE SITUATION POUR LA TAXE HOLDINGS PATRIMONIALES: Recentrage de la taxe holding sur les biens somptuairesAdoption de l’amendement JUVIN du 31 octobre 2025 sur l’article 3 du PLF 2026
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- 31 oct.
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Dernière mise à jour : 3 nov.

Par Eve d'Onorio di Méo, Avocat Spécialiste en Droit Fiscal
Pour mémoire, le PLF 2026 en son article 3 prévoit la création d’une nouvelle taxe sur les actifs non affectés à une activité opérationnelle des holdings patrimoniales contrôlées par une personne physique. Cette taxe « Holding patrimoniale » envisage l’imposition des revenus accumulés dans ces sociétés par des contribuables qui ne subissent ainsi aucun impôt en l’absence de distributions.
Ce vendredi 31 octobre, coup de théâtre à l'Assemblée : les députés ont adopté ce midi un amendement « JUVIN » qui restreint le champ de la taxe sur les holdings à des biens purement somptuaires (excluant la trésorerie), tout en augmentant le taux de la taxe à 20%, afin de lutter contre certaines formes d'optimisation fiscale des plus fortunés. La taxe holdings est réduite à une taxe sur les « biens somptuaires ». Le rapporteur général du budget, Philippe Juvin, a convaincu le bloc central et le RN de réduire la taxe holding.
1. Que prévoit le texte initial dans sa version du 14 octobre 2025 ?
Le texte initial prévoit qu’une taxe annuelle au taux de 2 % viserait les actifs non professionnels détenus par des sociétés holdings à caractère patrimonial, afin de lutter contre l’optimisation fiscale visant à « thésauriser » des revenus dans des sociétés holdings pour éviter leur imposition personnelle frappant leur distribution.
Les sociétés visées sont celles qui remplissent cumulativement les conditions suivantes :
- les actifs de la société sont supérieurs à 5 M€ ;
- la société est détenue à plus de 33,33% par une personne physique ou son cercle familial ; Lorsque la holding est étrangère, la personne physique contrôlante serait celle qui a son domicile fiscal en France ;
- la société réalise plus de 50% de revenus passifs, lesquels s’entendent des dividendes, intérêts, redevances, produits de droits d’auteurs, loyers, et les produits de cession d’un bien générant de tels revenus à l’exclusion des produits provenant de la gestion centralisée de trésorerie dans le cadre d’une convention de gestion autorisée (article L.511-7 du CMF) ;
- la société n’est elle-même pas contrôlée par une autre société soumise à cette taxe.
La taxe ne porte pas sur la totalité des actifs, mais uniquement sur le patrimoine non affecté à une activité opérationnelle (titres financiers qui ne sont pas des titres de participation dans des filiales opérationnelles, liquidités, immobilier non affecté à une activité opérationnelle)
Deux clauses sont prévues pour éviter des contournements :
- Si la holding taxée détient une filiale qui est elle-même une holding patrimoniale, la taxe est calculée par transparence de la première holding afin d’imposer les actifs passifs détenus par la filiale afin d’éviter une non-taxation en cas de cascades de sociétés. Les sociétés holdings dont le siège social est en France devront ainsi joindre à leur déclaration de résultat une annexe indiquant le calcul de la taxe (non déductible de l’assiette de l’IS).
- Dans le cas d’une holding étrangère détenue par des résidents français, la charge de la déclaration de la taxe et de son paiement repose sur l'actionnaire résident français, qui doit l'intégrer à sa déclaration personnelle de revenus.
L’application est prévue pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2025 (et 31 décembre 2026 pour les personnes physiques). Le projet de loi prévoit toutefois que les actifs immobiliers déjà imposés à cette taxe seraient exonérés d’IFI par l’article 975 VII.
Certains pays ont déjà mis en place une taxe équivalente : l’Irlande (20% sur les revenus non distribués), le Luxembourg (0,25%) et enfin les États-Unis avec le régime des « Personal Holding Companies income » ( 20 % sur les revenus passifs non distribués dans une holding offshore).
2. Recentrage du dispositif avec l’amendement JUVIN adopté en séance du 31 octobre 2025
Tous les amendements visant à la suppression du texte ont été rejetés. Quelques amendements ont été adoptés ce jour, notamment des amendements rédactionnels ou des amendements visant à éviter une double imposition qui résulterait, pour un associé ayant son domicile fiscal en France, de l’assujettissement de la holding étrangère à une imposition comparable à celle instaurée par le présent projet de loi de finances et de sa participation dans cette holding (Amendement 367 « Mattei »).
L’amendement 3052 dit amendement « Juvin » retient toute notre attention et vise à un recentrage de la base de la taxe avec un taux de 20%.
Recentrer la taxe sur les biens somptuaires des holdings
Cet amendement vise à recentrer la taxe sur les actifs non affectés à une activité opérationnelle des sociétés holding patrimoniales sur un objectif de lutte contre l’optimisation fiscale. En effet, dans sa rédaction actuelle, la taxe sur les sociétés holdings a une assiette très large, qui cible des éléments de l’actif tels que la trésorerie qui jouent un rôle central dans la définition de la stratégie des PME et des ETI familiales. Aussi, afin de permettre à la taxe d’accomplir pleinement son objectif de lutte contre l’optimisation fiscale tout en évitant les effets de bord qui pénaliseraient l’économie productive, cet amendement limite l’assiette de la taxe aux seuls actifs qui ne peuvent manifestement pas être affectés à une activité économique réelle, mais sont détenus au sein de la holding dans un seul but fiscal.
La taxe serait donc assise sur la somme de la valeur des actifs suivants détenus par la société :
- les biens affectés à l’exercice non professionnel de la chasse ou de la pêche ;
- les véhicules de tourisme non affectés à une activité professionnelle ;
- les aéronefs non affectés à des prestations de services aériens à titre onéreux ;
- les yachts, bateaux de plaisance à voile ou à moteur non affecté à une activité professionnelle ;
- les métaux précieux, bijoux, objets d'art, de collection ou d'antiquité ;
- les chevaux de course ou de concours,
- les vins et alcools,
- les logements et résidences mis à disposition, même partiellement, de la personne physique associé (correction de l’amendement 3901 sur l’amendement 3052)
Augmentation du taux de la taxe de 2% à 20%
En outre, cet amendement renforce le caractère dissuasif de la taxe en portant son taux à 20 %. Il vise ainsi à inciter les actionnaires personnes physiques de la holding à réaffecter les biens somptuaires à leur patrimoine personnel, obérant des stratégies d’optimisation fiscale qui s’appuient sur des dispositifs de soutien aux transmissions d’entreprises.
Seuil de détention de la holding par la personne physique porté de 33,33% à 50%
L'amendement adopté par l'Assemblée nationale relève enfin le seuil de détention d’une société holding par une personne physique à 50 % des droits de vote ou des droits financiers. Il s’agit d’éviter la situation où un actionnaire personne physique détient 33,33 % des parts de la société, sans être en mesure d’imposer une politique de distribution de dividendes.
3.Analyse du texte
La taxe de l’article 3 du PLF 2026 dont l’intitulé est « taxe sur les actifs non affectées à une activité opérationnelle des sociétés holdings patrimoniales » est en réalité en l’état actuel de la rédaction du texte une taxe qui peut concerner tout type de société soumise à l’IS :
- Détenue à plus de 50% par une personne physique ou dans laquelle une personne physique exerce un pouvoir de décision,
- dont les actifs sont supérieurs à 5 millions d’euros
- qui réalise plus de 50% de revenus passifs, lesquels s’entendent des dividendes, intérêts, redevances, produits de droits d’auteurs, loyers, et les produits de cession d’un bien générant de tels revenus à l’exclusion des produits provenant de la gestion centralisée de trésorerie dans le cadre d’une convention de gestion.
En conséquence, si on s’en tient à la stricte lecture du futur article 235 ter C du CGI, cette taxe peut toucher tout type de société y compris celle ne possédant aucune filiale du moment qu’elle respecte les conditions d’assujettissement. Cela peut donc représenter un risque pour une simple SCI soumise à l’IS qui met à disposition à titre onéreux d’un de ses associés majoritaires un bien immobilier ou un bateau par exemple (loyers correspondants au prix du marché). Ce cas de figure doit être exclu ou une rédaction différente doit être apportée à l’article car il ne correspond pas à l’esprit de la loi qui est celui de taxer les biens détenus par une société dont les bénéfices n’auraient pas été distribués et serviraient uniquement à l’achat d’un bien mis à disposition gratuitement de l’associé. Il faudrait ajouter au texte que la mise à disposition de l’associé doit être gratuite (pour rentrer dans le périmètre de la taxe) et surtout exclure les sociétés qui n’ont pas de filiales, desquelles elles profiteraient de remontées de dividendes.
L’administration fiscale sanctionne déjà les associés de sociétés soumises à l’IS qui détiennent des actifs dont il se réserve la jouissance sans contrepartie, notamment par le biais de l’acte anormal de gestion ou par le biais de rectifications sur la base de revenus réputés distribués (exemple une société à l’IS qui finance un bien immobilier ou un bateau mis à disposition exclusive de l’associé). La taxe de l’article 235 ter C du CGI va encore plus loin et instaure un mécanisme automatique et annuelle de sanction.
Concernant plus particulièrement les biens immobiliers et la rédaction du 7° du III de l’article 235 ter C du CGI, les immeubles qui seraient visés par la taxe sont donc ceux qui sont inscrits à l’actif d’une société (ayant elle-même des actifs de plus de 5 millions d’euros et générant plus de 50% de revenus passifs notamment des loyers), mis à disposition même partiellement de l’associé détenant plus de 50% ou disposant d’un pouvoir de décision dans la société. Se pose ici la question des actifs immobiliers non professionnels ou non affectés à une activité professionnelle. Le texte mérité d’être complété. En effet, le A du I de l’article 235 ter C du CGI indique que : « Il est institué une taxe sur les actifs non professionnels détenus par les sociétés (..) » sans donner plus de précisions sur la définition du caractère professionnel. Toutefois, le III du même article ne précise pas pour l’immobilier comme c’est le cas pour les véhicules, avions ou yacht, que le bien est soumis s’il est non affecté à une activité professionnelle. Cette imprécision laisse un flou sur le sort des biens immobiliers affectés une activité professionnelle, notamment le sort des biens loués en meublé de tourisme ou en para hôtellerie (et dont l’associé se réserverait une semaine ou deux par an tout en versant un loyer à la société). L’activité de location meublée est elle-même tantôt commerciale, tantôt civile relevant de la gestion du patrimoine, selon l’impôt en cause.
Une définition de la notion du caractère professionnel semble essentielle ou un renvoi à une définition déjà établie par les textes (comme celle de l’IFI par exemple). Il faut également régler le sort des holdings dites animatrices dont l’essentiel des revenus pourraient être qualifiés de passifs, alors même qu’elles ont une activité commerciale reconnue.
Le texte n’est pas non plus très clair sur le cas des non-résidents ayant des sociétés dont le siège social est en France. Compte tenu de la place des virgules dans le I du 235 ter C du CGI, il n’est pas évident de déterminer si la condition de la résidence fiscale en France de la personne physique s’applique aux seules sociétés dont le siège social est à l’étranger. Si tel était le cas, cela signifierait que le texte s’applique quelle que soit la résidence fiscale de l’associé en cas de détention dans une société ayant son siège social en France. Ce point mérite une précision.
Enfin, aucun dispositif de plafonnement du montant global de la taxe en fonction des revenus des entités ou des personnes physiques n’est prévu par le texte.
De nombreuses questions émanent donc de cette nouvelle taxe et de cet amendement. Les futurs débats et la navette budgétaire clarifieront le contour de la taxe. A ce stade, la taxe holding reste donc très incertaine bien que nous devinions un axe commun qui est celui de taxer les plus grandes richesses que ce soit chez les particuliers ou dans les holdings patrimoniales.

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